THÉO KOUTSAFTIS
Sa mort, causée par une crise cardiaque, fut confirmée sur les réseaux sociaux par sa compagne, Graneta Karatza. Il souffrait d’un handicap à 93% suite à un premier infarctus en 2008. Son nom à la ville était Costas Papadopoulos, mais il avait choisi le pseudonyme « Efimeros » (éphémère en grec).
Avant de devenir un grand nom du paysage journalistique grec, Costas Efimeros dirigeait une société informatique du nom de BitesnBytes. Il était reconnu comme un perfectionniste et une pointure dans son secteur, capable de mettre en place des applications et des sites complexes dans des délais extrêmement courts. Lors des élections grecques de 2008, 90% des sites de presse faisaient appel au système de visualisation des résultats élaboré par sa société. Fort de ce savoir-faire technologique il monta ensuite ThePressProject.gr en 2010. Le site commença d’abord comme un agrégateur éclectique d’articles de presse. En parallèle, il produit le documentaire Debtocracy, diffusé librement sur internet, sur la crise de la dette en Grèce. Onze mois après son lancement, pendant que les places grecques voyaient monter le mouvement des Indignés, la version 2 de ThePressProject introduisait des rubriques présentant des reportages originaux.
En juin 2013, lorsque le gouvernement Samaras annonce la fermeture de ERT, la radiotélévision publique, il arrive quelques heures plus tard sur place avec tout le matériel nécessaire à la continuation de la diffusion. Lui seul et son équipe vont permettre pendant 12 jours à la télévision publique de continuer à émettre, avant que l’Union européenne de radio-télévision ne prenne la relève. En novembre de la même année, lorsque le gouvernement expulse par la force les anciens employés d’ERT des locaux, c’est encore M. Efimeros qui rendra possible la diffusion du tristement célèbre JT de 21:00 devant les grilles du siège. La journaliste est assise en manteau derrière un banc d’école décoré d’un drapeau avec le logo d’ERT et derrière elle, une rangée de CRS en tenue d’émeute, boucliers levés.
Au cours des années qui vont suivre, ThePressProject, avec Costas Efimeros comme rédacteur-en-chef et grand chef d’orchestre, va gagner en ampleur jusqu’à devenir un véritable média, conforme à la vision de son fondateur d’un journalisme insoumis et strictement indépendant. Le site avait, dès ses débuts, opté pour un modèle de financement participatif, refusant toute aide gouvernementale ainsi que toute publicité d’entités financières ou de grands groupes industriels. Le chemin pour arriver à cet équilibre n’était pas facile : en octobre 2016, l’entrepreneur annonçait dans une longue lettre d’adieu à ses lecteurs ne plus pouvoir fournir seul les efforts, financier et humain, nécessaires à la continuation de l’aventure.
En quelques heures les donations auprès du site battaient tous les records : les lecteurs avaient répondu à son appel. Quelques jours avant sa mort, Costas Efimeros avait à nouveau redessiné les pages de ThePressProject et annonçait de nouveaux projets journalistiques, toujours plus ambitieux.
Il laisse dans le deuil sa femme, ses deux enfants, ainsi que sa sœur.
Julian Assange, le fondateur australien de WikiLeaks, a rendu hommage sur Twitter au « brillant et courageux ami Costas Efimeros », terminant son message par « Rest in Power, Costas ». Yanis Varoufakis, l’ancien ministre des Finances du premier gouvernement Tsipras, a indiqué qu’« un grand ami, et journaliste hors pair, nous a quitté aujourd’hui ». Yanis Varoufakis était proche de Costas Efimeros, participant souvent aux émissions de radio et télévision produites par ThePressProject. Il avait notamment aidé la plateforme en se prêtant au jeu du Mouvement 1101 lors du premier appel à contributions.
Le monde politique grec dans son ensemble a rendu hommage à Costas Efimeros. Le premier ministre Alexis Tsipras a souligné dans son message Facebook « l’engagement concret auprès des employés d’ERT et [sa]revendication d’une indépendance journalistique ».
Dans un long éditorial sur ThePressProject, ses collaborateurs le décrivent ainsi : « Costas rêvait haut et fort et ses rêves étaient contagieux. Nous l’écoutions parler et il nous entrainait, dans la complexité et l’innocence de ses pensées, dans son idéalisme « absurde », dans sa passion pour la vie et le journalisme. Il rêvait d’une information qui respecterait ses lecteurs et de lecteurs qui la respecterait et seraient donc prêt à la financer. Un journalisme sans publicités, sans dépendances, qui serait critique et investigateur mais aussi accessible à tous. Et tout cela, Costas en rêvait dans la Grèce de la crise et des oligopoles de l’information. »
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