Affaire de Tempé : la Nouvelle Démocratie limite l’enquête sur Karamanlis à un simple délit – Vives réactions des familles de victimes

Le parti au pouvoir en Grèce, Nouvelle Démocratie (ND), a proposé la mise en place d’une commission d'enquête parlementaire d’enquête visant l’ancien ministre des Infrastructures et des Transports, Kostas Ach. Karamanlis. Mais la proposition ne concerne que le délit de « manquement au devoir », écartant toute charge plus grave. Cette initiative porte sur sa gestion de la sécurité ferroviaire avant la catastrophe ferroviaire de Tempé, qui a coûté la vie à 57 personnes en février 2023. Selon ND, la responsabilité de Karamanlis se limiterait à des omissions administratives pendant son mandat, de septembre 2021 à février 2023. Cette position perçue comme un moyen de protection politique a suscité une vive indignation chez les familles des victimes et les partis d’opposition.
Réactions des proches des victimes
Maria Karystianou, qui a perdu sa fille dans le désastre, a fustigé ce qu’elle considère comme un blanchiment politique : « Il a joué, et nous avons perdu à jamais l’étreinte de nos enfants. » Elle accuse Karamanlis d’avoir eu connaissance de l’absence criante de systèmes de contrôle à distance sur les trains, malgré les fonds alloués dans le cadre du controversé contrat 717. Elle dénonce également les déclarations rassurantes de l’ancien ministre devant le Parlement peu avant l’accident, alors qu’il aurait été parfaitement informé des risques et des dysfonctionnements structurels. À ses yeux, ND cherche à protéger Karamanlis et d’autres responsables politiques d’une vraie reddition de comptes. Elle reproche aux députés de soutenir une procédure qui n’aborde que les infractions mineures.
Nikos Plakias, père de jumelles décédées dans la tragédie, a lui aussi vivement réagi. Pour lui, Karamanlis aurait déjà dû être condamné si la justice grecque fonctionnait normalement. Il accuse le gouvernement de « dissimuler la vérité sous des gravats », d’abord pour préserver l’image du Premier ministre Mitsotakis avant les élections, et désormais pour protéger Karamanlis, figure clé de ND. Il s’indigne du traitement différencié : alors que plusieurs subordonnés de Karamanlis sont poursuivis pour des crimes graves, ce dernier semble intouchable. « Quand tous les subalternes sont poursuivis, comment le responsable suprême peut-il être exempt ? » interroge-t-il. Il critique également les députés ND qui, selon lui, ignorent délibérément les éléments accablants d’un dossier d’instruction de 90 pages.
Plakias déplore aussi l’attitude du PASOK, qu’il accuse d’avoir réclamé trop tôt une enquête limitée. Il estime qu’une véritable procédure ne peut commencer qu’une fois l’instruction close, et qu’elle doit concerner tous les responsables politiques impliqués, sans exception.
PASOK demande des poursuites pour crimes graves
Le PASOK, de son côté, demande l’ouverture d’une enquête parlementaire incluant de possibles accusations criminelles contre Karamanlis ainsi que contre d’autres anciens ministres et secrétaires d’État issus de ND et de SYRIZA. Parmi les noms évoqués figurent Christos Spirtzis, Michalis Papadopoulos, et d’autres anciens responsables ayant eu des rôles clés dans les infrastructures ferroviaires ou liés au contrat 717. Le PASOK évoque des délits potentiels tels que la mise en danger des transports publics, la négligence criminelle ou même l’homicide involontaire avec éventuelle intention.
Le parti appelle à la création d’une commission d’enquête parlementaire selon l’article 86 de la Constitution, estimant que ces faits méritent une instruction approfondie.
La position de ND : des limites à la responsabilité ministérielle
Dans son argumentaire, ND soutient que la responsabilité ministérielle doit être interprétée de manière stricte. Le parti insiste sur le fait que le ministère n’avait qu’un rôle administratif vis-à-vis d’organismes comme OSE ou ERGOSE, tandis que la sécurité des transports relève d’une autorité indépendante, l’Autorité de Régulation Ferroviaire (RAS).
ND rappelle également que cette même autorité, tout comme l’Agence européenne pour les chemins de fer, avait délivré les certifications de sécurité à OSE et à Hellenic Train, et que, le jour du drame, toutes les conditions légales de sécurité étaient officiellement remplies.
Concernant l’ancien ministre Christos Spirtzis, ND soutient que les éventuelles infractions commises durant son mandat ne peuvent plus faire l’objet de poursuites en raison de la prescription prévue par la Constitution avant sa révision en 2019.
Enfin, ND affirme que la responsabilité pénale de certains cadres du ministère, accusés de ne pas avoir alerté leur hiérarchie ou proposé de mesures concrètes, ne peut être automatiquement imputée à Karamanlis. Le droit pénal, souligne-t-il, exige une responsabilité personnelle, non transférable.
Pas de preuves de négligence grave, selon ND
Pour conclure, ND estime que les documents transmis par le juge d’instruction n’apportent pas d’éléments probants montrant une volonté de nuire ou des actes délibérés compromettant la sécurité ferroviaire, comme une manipulation de signaux ou un sabotage, au sens de l’article 291 du Code pénal.
Le parti insiste aussi sur la nécessité de distinguer les responsabilités politiques des responsabilités pénales. En l’absence de faits de corruption ou de détournement de fonds, la seule charge envisageable contre un ministre resterait, selon lui, le manquement au devoir.
Cela dit, ND affirme ne pas chercher à entraver la justice et se dit favorable à la création d’une commission parlementaire spéciale, admettant que certaines dépositions de fonctionnaires du ministère méritent sans doute un examen judiciaire plus poussé.
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