On vous adresse cette lettre pour une raison supplémentaire : dans notre pays, les medias établis soutiennent ouvertement le « oui » et afin qu’ils puissent le renforcer n’ont pas hésité cette dernière semaine à altérer la vérité, violant toute déontologie journalistique. Avant cette semaine « noire » pour la presse, la Grèce se plaçait à la 93ème position de l’échelle internationale concernant la liberté de la presse, avant-dernière en Europe. On ne peut pas imaginer notre place après tout ça.
 
La première raison et la plus importante est que le programme proposé est à la fois inhumain et inefficace. De nombreuses preuves pourraient justifier ces deux adjectifs choisis. Inhumain car en 5 ans on a perdu le 25% de notre PIB, le chômage est monté du 7% au 27,7% (60% pour les jeunes), les salaires et les retraites ont connu une réduction de 35% tandis que plus de 6000 de nos concitoyens se sont suicidés à cause de la crise.
 
Les conditions se sont tellement aggravées au point de les comparer avec les résultats d’une guerre sans guerre. On a inventé des conditions d’une paix accablante. Cette constatation n’est pas distraitement humaniste : comme le signale le commissaire pour les droits humains Niels Mouiznieks, on mentionne des traités internationaux protégeant de la crise humanitaire un peuple obligé de rembourser ses dettes. On ne sait plus s’il en surgira un certain résultat économique justifiant de telles sacrifices mais il est sûr que toutes ces sacrifices n’étaient point rentables. En fait, la viabilité de la dette se limite à des exercices sur papier où on pose de nouveau des buts irréalisables. Le résultat est une austérité perpétuelle.
 
A-t-on le droit moral de nier le paiement de notre dette ?
 
On croit bien qu’on a le droit moral de survivre financièrement sans être menés à une misère sans fin.
 
On appelle les pays qui nous ont prêté et les citoyens suivant les accusations contre notre pays à nous écouter. L’attribution des obligations du prêt par des banques privées aux contribuables grecs a été une décision politique. La faute n’était pas aux grecs. Tout simplement, les banques ont la mauvaise habitude d’aimer le capitalisme seulement en cas de profit et certainement pas en cas des pertes. De plus, on estime au-dessous de 10% des sommes attribuées en Grèce le pourcentage arrivant aux grecs. Le reste se créditait immédiatement aux créanciers. Essentiellement, notre pays accumule des dettes afin de payer des dettes précédentes.
 
Pourtant, l’Allemagne a gagné des milliards d’euros grâce à la crise grecque soit ayant à sa disposition des obligations financières, soit à travers des intérêts et des primes d’assurance à danger. Pendant que l’Allemagne négociait avec nous- sans céder essentiellement à rien- jouissait en même temps de la catastrophe de l’économie grecque qu’elle provoquait avec ce retard sous forme de fuite du 60% des dépôts grecs à des banques européennes, surtout allemandes. Enfin, il est vrai que les prêts prévoient des intérêts car ils incluent le risque que le prêtant n’arrive pas à les acquitter pas obligatoirement parce qu’il ne veut pas-c’est notre cas- mais parce qu’il est profondément misérable.
 
Depuis longtemps, le FMI savait bien que la dette n’était pas viable et que sa coupe semblait nécessaire (il s’agit des données restées cachées pendant les négociations). Il en résulte qu’on ne peut pas demander nous-mêmes des mesures qui ne déboucheront pas à la fin de la crise en votant pour l’application d’un programme. On offrirait un cadeau inattendu à nos créanciers, la légitimation politique pour l’application d’une politique qui ne nous permet pas de rétablir notre économie.
 
Il est possible que pour certains soit insignifiant le fait que cette décision sera prise de façon démocratique. On parle de leur argent, alors le remboursement ne constitue pas le sujet d’une décision intérieure démocratique.
Le sujet est différent. Le FMI a une longue tradition de collaboration avec des régimes antidémocratiques. L’Union Européenne de son côté se livre de plus en plus à des représentants non élus, n’ayant pas la légitimation démocratique mais pouvant
 
néanmoins prendre des décisions de vie et de mort. Quand on leur a demandé pourquoi ils n’avaient pas appelé le ministre grec à l’Euro group, on a eu la réponse qu’il s’agit d’un organe atypique. Ça ne l’empêche pas à définir notre destin. Lorsqu’on compte infliger des mesures dures, on doit probablement un certain moment décider de demander l’opinion de ceux qui vont les subir.
 
On prétend raisonnablement que le referendum ne se réfère pas à l’alternative. Quelles seront les mesures qu’on appliquera après avoir rejeté celles de la troïka ? Après une victoire éventuelle du « NON », rien ne finit, on aura une lutte cruelle contre les représentants des politiques inextricables d’austérité.
 
Bien qu’on soit appelés à voter OUI ou NON pour un paquet de mesures bien précis, bon nombre des chefs européens- ainsi que les forces politiques soutenant le OUI en Grèce- ont fait déplacer le dilemme au maintien de notre pays à la monnaie commune.
 
Le seul sujet des discussions en Grèce est la fermeture des banques et l’imposition des Capital Controls, decision infligée à notre pays par la Banque Européenne Centrale la semaine où on a annoncé le referendum et visant probablement à créer un climat d’asphyxie. Cependant, la Banque Européenne Centrale affrontait les mêmes risques une semaine avant, lorsqu’elle finançait de 5 à 7 milliards d’euros la fuite des capitaux du système bancaire grec aux banques européennes, surtout allemandes.
 
Et pourtant, ceux qui soutiennent le OUI, nous appellent à voter la réduction de l’allocation pour le chauffage, attribuée aux citoyens les plus pauvres de ce pays et après avoir déploré ces dernières années le décès de trois personnes essayant de se réchauffer à l’aide d’un poêle. Ils nous appellent à accepter une réduction de 50% de la sécurité sociale et à ôter de notre système sanitaire 1/3 des médicaments gratuits. Ils nous appellent finalement à admettre les confiscations automatiques des comptes des salaires de 500 euros et à annuler la protection de résidence concernant des prêts entrepris à une époque où le PIB grec était de 25% plus élevé, à une époque où il n’existait pas 1,5 millions de chômeurs et 3 millions de pauvres au total d’une population de 10 millions.
 
On ne trouvera pas ces données dans le débat public grec ou international. On parle seulement du fait que la Grèce ose retarder les négociations à cause de son inflexibilité.
 
On insistera donc à répondre à la question telle qu’elle se présente sur le bulletin de vote et à considérer d’une importance secondaire par rapport aux conditions réelles de survie des citoyens le maintien ou pas à une monnaie commune.
 
Malgré les déclarations et les garanties du gouvernement, cette lutte ne finira pas avec une décision, elle ne sera ni facile ni rapide. La seule chose qu’on peut tenter est de ne pas déposer nos armes avant qu’on ne fasse pas un effort. Voter OUI signifie qu’ils nous demandent de ramasser du bois pour préparer la chaudière dans laquelle ils vont nous cuire. Voter NON signifie qu’on insiste à revendiquer qu’il existe l’opportunité pour un peuple de former avec des moyens politiques les perspectives d’amélioration de sa vie.
L’accusation adressée au NON est qu’elle présage l’isolation à l’opposé du OUI constituant un vote européen. Pourtant, personne n’a le privilège d’exprimer la vraie Europe. L’Europe est contradictoire, elle inclut des mouvements, des partis de gauche et de droite, des services sociaux mais en même temps, des bancaires cruels, d’assassins financiers et des ministres conservateurs respectables.
 
Sous ces conditions on choisit son côté. Ce choix est infiniment plus crucial que « l’européisme » ou « l’anti européisme » abstrait.
 
En votant OUI on ne dit pas « adieu » à l’Europe. On choisit notre maintien à l’Europe avec dignité.
 
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