Des manifestant.e.s obtiennent l’annulation d’un événement de l’ambassade d’Israël à la Foire du livre de Thessalonique
Intitulée « Paysages mouvants de la littérature juive », la discussion devait rassembler le critique littéraire israélien Oded Wolkstein, le journaliste grec Grigoris Bekos, et la traductrice Chrysoula Papadopoulou.
Mais pour les manifestant.e.s, il ne s’agissait pas d’un simple rendez-vous littéraire. Rassemblé.e.s drapeaux palestiniens à la main, ils et elles ont dénoncé une tentative d’utiliser la culture pour redorer l’image de l’État israélien. Ils accusent l’événement de servir à masquer, sous couvert de littérature, les crimes perpétrés à Gaza et en Cisjordanie.
La pression exercée a porté ses fruits. L’événement a été annulé, marquant un nouveau succès pour la campagne de boycott culturel d’Israël. Pour les organisateurs de la contestation, c’est une victoire contre la banalisation d’un régime qu’ils qualifient de « génocidaire ».
Dans un communiqué, BDS Grèce fustige la complicité d’ELIVIP avec les autorités israéliennes, déclarant :
« On utilise un thème littéraire noble pour tenter de blanchir les crimes d’un État. Nous respectons la littérature juive, comme toutes les voix qui portent l’humanité et la liberté. Mais nous refusons que les livres servent de paravent à la violence d’État. »
Les revendications portées par le mouvement sont sans équivoque :
- Refus de toute normalisation de la présence israélienne dans les événements culturels tant que les crimes contre l’humanité se poursuivent.
- Annulation immédiate de l’événement et fin de toute coopération avec l’ambassade d’Israël.
- Rupture complète des partenariats culturels et académiques avec l’État israélien.
- Mise en avant des voix palestiniennes, systématiquement marginalisées.
Plusieurs maisons d’édition, librairies et collectifs grecs ont appuyé la mobilisation, notamment la Fédération panhellénique des éditeurs et libraires ainsi que l’Association des libraires et éditeurs d’Athènes. Dans une lettre ouverte intitulée « La littérature ne blanchit pas un génocide », ils s’interrogent :
« Comment la littérature pourrait-elle servir de paravent à des massacres ? Combien de livres faudra-t-il pour faire oublier un génocide ? Combien de pages pour effacer les bombes sur les convois humanitaires ? »
Le texte rappelle le lourd bilan humain des opérations militaires israéliennes : des milliers de morts, parmi lesquels de nombreux enfants, hôpitaux détruits, camps de réfugiés ciblés, et un blocus qui affame la population palestinienne. Il condamne également la complicité du gouvernement grec dans cette situation.
Quelques instants avant le début prévu de la conférence, les manifestant.e.s se sont réunis devant le pavillon 14 du salon, brandissant des banderoles et scandant des slogans comme « Liberté pour la Palestine » ou « Stop au génocide ». La direction du salon a finalement confirmé l’annulation de l’événement. Pour BDS Grèce, il s’agit d’« une victoire de la solidarité face à la tentative de normaliser un génocide ».
Le communiqué se conclut ainsi :
« Alors qu’Israël commet un génocide en plein jour, aucune initiative culturelle ne peut servir de prétexte. Aucun livre, aucune institution, aucune forme d’art ne doit dissimuler des crimes contre l’humanité. L’annulation de cet événement est un petit mais réel pas vers un boycott culturel global de l’apartheid, de l’occupation et du génocide. La culture appartient aux peuples – pas aux bourreaux. »
Le critique israélien parle de censure
Interrogé par le quotidien grec Kathimerini, Oded Wolkstein, critique littéraire israélien et chercheur à l’Institut israélien de littérature hébraïque, s’est dit victime de « censure » après l’annulation de l’événement. « Je n’ai pas participé à la décision d’annuler la rencontre, mais d’après ce que j’ai compris, il n’existait aucune possibilité concrète de la maintenir dans ces conditions », a-t-il déclaré.
Reconnaissant le droit à la protestation, il va plus loin en affirmant rejeter l’idée, souvent défendue dans les cercles libéraux, d’une littérature coupée du monde :
« Comme le disait Yehuda Amichaï, la littérature est salie par les problèmes du monde. Je ne crois pas que les discussions littéraires doivent se dérouler dans un laboratoire stérile, hermétiquement clos. »
Wolkstein évoque également les victimes israéliennes du 7 octobre, qu’il qualifie de
« massacre atroce, pour lequel aucun “contexte” au monde ne saurait fournir la moindre justification », rejetant de fait toute tentative de mise en perspective historique à travers l’occupation ou l’apartheid exercé depuis des décennies.
« Voilà où nous en sommes : je ne suis ni membre, ni partisan du gouvernement. Et pourtant, j’ai bel et bien été réduit au silence. Avec moi, ce sont des livres, des idées, des pensées – dont certaines rejoignent profondément les inquiétudes des manifestants – qui ont été muselées. Alors, au fond, quel est le bénéfice ? »
______________________________________________
Recherchez-vous des actualités depuis la Grèce présentées sous un angle progressiste et différent des médias dominants ? Faites un don mensuel ou annuel pour soutenir TPP International dans sa mission de fournir un journalisme indépendant en français. Ne laissez pas les voix progressistes grecques disparaître.
Pensez à préciser « TPP International » et votre numéro de commande comme motif du paiement.