La compagnie Hellenic Train a déclenché une vive polémique en licenciant Kostas Genidounias, ancien président du syndicat des conducteurs de train et figure clé dans les révélations sur les défaillances de sécurité du réseau ferroviaire grec. La lettre de licenciement lui a été signifiée par voie d’huissier, directement à son domicile, et confirmée dans l’après-midi du mercredi 30 avril. La nouvelle a immédiatement suscité une vague de condamnations de la part des partis politiques et des syndicats. Genidounias est attendu comme témoin-clé dans le cadre de l’instruction en cours sur la tragédie ferroviaire de Tempé.

Dirigeant syndical au moment de l’accident, Genidounias n’a cessé depuis de dénoncer les défaillances systémiques de sécurité au sein du réseau ferroviaire et le rôle de l’entreprise dans la catastrophe, qui a coûté la vie à des dizaines de personnes. Il accuse Hellenic Train et certains responsables gouvernementaux de vouloir dissimuler les véritables causes du drame.

Interrogé par le média NewsIt, il a été formel :

« Je n’ai pas démissionné, j’ai été licencié. Ils m’ont envoyé un acte d’huissier chez moi. Je suis en discussion avec mes avocats. Mais que les choses soient claires : je n’ai jamais quitté mes fonctions de mon propre chef. »

Réactions politiques en chaîne

Le porte-parole parlementaire de la Nouvelle Gauche, Nasos Iliopoulos, a fustigé des méthodes « mafieuses » menées « avec la bénédiction du gouvernement ». Devant le Parlement, il a insisté sur le caractère symbolique du timing : à la veille du 1er mai, en pleine période électorale syndicale, alors que Genidounias s’apprêtait à témoigner devant la justice.

« Ce n’est pas un hasard, a-t-il martelé. C’est une tentative délibérée de faire taire ceux qui remettent en cause la version officielle. »

Malgré les demandes émanant de l’opposition et de lui-même, Genidounias avait été exclu de la commission parlementaire chargée d’enquêter sur la tragédie ; une décision imposée par le parti au pouvoir, Nouvelle Démocratie. Pour Iliopoulos, « cet homme avait alerté sur les dangers du réseau ferroviaire bien avant le drame. Il a osé dire la vérité, face au mensonge de la “simple erreur humaine”. »

Le président de Syriza, Sokratis Famellos, a également dénoncé « une attaque ciblée contre le syndicalisme ». Il a rappelé que Genidounias avait averti l’ex-ministre Karamanlis des risques encourus.

« Aujourd’hui, alors qu’un dossier sur la responsabilité politique de Karamanlis vient d’être transmis au Parlement, celui qui a tiré la sonnette d’alarme est puni. C’est le signe d’un gouvernement autoritaire et corrompu qui s’en prend à ceux qui l’exposent. Mais il n’échappera pas à ses responsabilités. »

Sur les réseaux sociaux, Alexis Charitsis (Nouvelle Gauche) s’est indigné :

« Pas touche à Kostas Genidounias ! Toute la Grèce sait qui il est : celui qui a signé les mises en garde officielles sur l’état du réseau ferroviaire, celui qui a dévoilé les dessous de la mise en scène orchestrée par Mitsotakis à Thessalonique la veille de la catastrophe. »

Il a qualifié le licenciement de « terrorisme patronal » et d’« acte honteux d’intimidation envers un syndicaliste qui lutte pour la vérité et la sécurité des chemins de fer. »

Les syndicats exigent sa réintégration immédiate

Les syndicats du secteur ferroviaire se sont rapidement mobilisés pour exiger la réintégration de Genidounias. Le Syndicat grec du personnel de traction (PEPE) a qualifié le licenciement d’« acte vindicatif » et « illégal », dénonçant une atteinte flagrante à la liberté syndicale.

Selon PEPE, la décision est intervenue « à peine un jour après que Genidounias a déposé sa candidature pour les élections syndicales, et le jour même de la Journée internationale des travailleurs ». Le syndicat y voit une tentative manifeste d’ingérence dans les affaires internes du mouvement ouvrier. « Ce n’est pas seulement abusif, c’est une violation directe du droit de nos membres à s’organiser librement. »

PEPE accuse personnellement le PDG d’Hellenic Train, M. Rinaudo, d’instaurer un climat de peur et de répression pour étouffer la vérité sur l’état du réseau ferroviaire grec.

« Plutôt que de résoudre les problèmes structurels du rail, M. Rinaudo a mis en place un régime autoritaire pour faire taire ceux qui osent parler, ceux qui ont dénoncé les failles ayant conduit à la tragédie de Tempé. »

Le syndicat a aussi dénoncé l’hypocrisie d’une entreprise largement financée par des subventions publiques qui « terrorise, muselle et licencie » ceux qui tirent la sonnette d’alarme.

« Hellenic Train est payée par le contribuable pour fournir un service public, pas pour punir ceux qui luttent pour la sécurité et la transparence. »

Dans sa déclaration, PEPE a exigé non seulement l’annulation du licenciement de Genidounias, mais aussi des explications de la maison-mère italienne Ferrovie dello Stato Italiane, sommée de condamner publiquement ces pratiques jugées « inacceptables et illégales ».

De son côté, le syndicat des employé.e.s de TrainOSE (SEP TRAINOSE) a également pris position, dénonçant « l’arrogance et l’arbitraire patronal à l’état pur ». Bien qu’en désaccord de longue date avec Genidounias, le syndicat a tenu à exprimer sa solidarité :

« Nos divergences sont profondes et irréconciliables… Mais le soutenir aujourd’hui, c’est défendre tout salarié licencié injustement. »

Le communiqué pointe une série d’abus similaires commis par la direction de l’entreprise, notamment des licenciements sur la base de faux prétextes et des procédures expéditives. Il dénonce une gouvernance déficiente, une mauvaise gestion financière et une absence totale de vision stratégique.

Le syndicat appelle à la réintégration immédiate des salarié.e.s licencié.e.s de manière abusive, ainsi qu’à la réparation morale et matérielle de leur préjudice.

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