
Ces derniers jours, des membres du gouvernement ainsi que plusieurs médias grecs alignés avec la politique gouvernementale ont annoncé l’ouverture d’une antenne de la Sorbonne en Grèce : une initiative présentée comme une preuve du bien-fondé de la nouvelle loi autorisant des universités privées. Toutefois, cette mise en avant repose sur une confusion autour du nom « Sorbonne ».
Antonis Galanopoulos, docteur en sciences politiques à l’Université Aristote de Thessalonique, nous en parle dans une interview accordée à The Press Project.
En réalité, il ne s’agit ni de l’historique Université de Paris, fondée au XIIIe siècle et frangmentée en treize universités autonomes en 1968, ni des établissements les plus prestigieux qui en sont issus, comme Paris 1 Panthéon-Sorbonne ou Sorbonne Université. L’institution en question est l’Université Sorbonne Paris Nord, un établissement public français dont le classement académique est inférieur à six universités grecques.
Cette initiative s’inscrit dans une démarche politique et économique plus large, où l’ouverture d’universités privées est mise en avant comme une opportunité majeure, sans pour autant reposer sur des critères objectifs de classement ou de qualité académique.
« Ce qui est intéressant, c’est que cette université est classée entre la 951e et la 1000e place au niveau international et à la 43e place en France. Six universités publiques grecques sont mieux classées. Par exemple, l’Université Aristote de Thessalonique est classée 321e, et l’Université nationale et capodistrienne d’Athènes est 393e. »
Plus encore, l’antenne grecque ne sera pas directement gérée par l’Université Sorbonne Paris Nord, mais par l’IdEF College (Institution d’Études Francophones), une entité privée qui a fait l’objet de controverses judiciaires pour son usage du terme “Université”, jugé potentiellement trompeur.
« Le problème, c’est qu’il ne s’agit pas exactement de la Sorbonne que les gens ont en tête. On tente ici de tirer parti de la confusion autour du nom ‘Sorbonne’, qui évoque immédiatement la célèbre université française et donne l’impression qu’une institution d’élite va soudainement ouvrir une antenne en Grèce. »
Une institution déjà présente en Grèce
Le gouvernement cherche à manipuler l’opinion publique en présentant l’implantation de cette université comme une avancée majeure pour l’enseignement supérieur. Cette stratégie repose sur une fausse impression de prestige, visant à attirer les étudiant.e.s en suggérant que cette antenne bénéficiera du même niveau d’excellence que son institution d’origine. Toutefois, l’expérience prouve que les filiales d’établissements renommés offrent souvent un enseignement de moindre qualité, comme c’est le cas de la Sorbonne à Abu Dhabi, dont le niveau académique ne correspond pas à celui de l’institution parisienne.
« Le problème, c’est qu’e ce n’est pas une nouveauté. L’Université Sorbonne Paris Nord collabore avec l’IdEF College depuis 1995. »
« Nous assistons ici à la mise en œuvre de ce qui était prévu avec la loi sur les universités privées, où des établissements collaborant avec des universités étrangères se transforment soudainement en universités privées. »
Une stratégie globale pour affaiblir l’université publique
Cette mise en avant du prestige illusoire ne fait qu’alimenter une vision favorable à la privatisation de l’éducation, où l’on sous-entend que le secteur privé, par sa nature, garantirait une meilleure qualité d’enseignement que les établissements publics. Ce phénomène s’inscrit dans une dynamique plus large de dévalorisation des universités publiques en Grèce. En effet, des mesures comme la suppression des étudiant.e.s dit.e.s « éternel.le.s » et le durcissement des critères d’accès via les examens nationaux visent à restreindre les opportunités d’études dans le secteur public, au profit du privé.
« L’ouverture d’universités privées va de pair avec la suppression des étudiants inscrits depuis longtemps, ce qui alimente l’idée que les universités publiques sont inefficaces. »
« On veut donner l’impression qu’il y a un problème dans les universités publiques grecques, et que seule l’initiative privée peut apporter des solutions. »
« Cette glorification des institutions privées va de pair avec la dévalorisation des universités publiques, tout comme la privatisation du système de santé affaiblit les hôpitaux. »
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