Le rapport annuel d’Amnesty International alerte sur la Grèce : système de santé en crise, violences policières, violation des droits des réfugié.e.s

Le dernier rapport annuel d’Amnesty International sur la situation des droits humains dans le monde braque les projecteurs sur la Grèce. L’effondrement du système de santé publique, les nombreuses accusations de violences policières, ainsi que les mauvais traitements infligés aux réfugié.e.s et demandeur.euse.s d’asile y occupent une place centrale. Le rapport aborde également le féminicide de Kyriaki Griva devant un commissariat, les poursuites contre des journalistes, la légalisation du mariage pour tous, et les tentatives de criminalisation de l’action humanitaire.
Une cour d’appel a condarmé la déclaration de culpabilité de deux hommes pour la mort du militant LGBTI Zak Kostopoulos. Cette année encore, des violences commises aux frontières à l’égard de personnes migrantes ou réfugiées ont été signalées, et des demandeurs et demandeuses d’asile ont été maintenus en détention illégale dans le centre d’accueil de l’île de Samos. Des défenseur·e·s des droits humains ont continué d’être poursuivis en justice pour leur travail auprès des personnes réfugiées ou migrantes. Des allégations de recours inutile et excessif à la force dans le cadre du maintien de l’ordre lors de manifestations ont cette année encore été formulées. Des doutes ont été exprimés par rapport à une enquête qui n’a trouvé aucun lien entre l’usage illégal d’un logiciel espion et les ministères et services de l’État. La Grèce a légalisé le mariage entre personnes de même sexe, ce qui constituait un événement majeur. Le personnel soignant a continué de faire état de sérieux dysfonctionnements dans le système national de santé.
Un système de santé en crise
« Les soignant·e·s et les spécialistes de la santé ont continué de faire état de sérieux dysfonctionnements dans le système national de santé : pénurie de personnel, longues heures de travail, difficulté à prendre des congés, cliniques risquant de fermer ou de fonctionner avec des capacités réduites en raison d’un manque d’effectifs ou d’équipements, etc. »
Une politique d’exclusion envers les réfugié.e.s
« Cette année encore, des naufrages mortels ont eu lieu et des violations des droits humains ont été signalées, notamment des refoulements sommaires illégaux, par les forces de l’ordre grecques, de personnes demandeuses d’asile ou migrantes racisées.
Dans une affaire datant de 2014, où des gardes-côtes avaient tiré sur un bateau lors d’une interception en mer et touché un Syrien, décédé par la suite, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé en janvier que la Grèce avait violé le droit à la vie de la victime, tant au moment de l’enquête sur les faits que par son utilisation d’une force létale.
Malgré cette décision de justice, les forces de l’ordre ont continué d’utiliser des armes à feu de manière problématique dans le cadre d’opérations de contrôle aux frontières. En juillet, un homme est mort après que des gardes-côtes ont tiré sur une embarcation qu’ils poursuivaient près de l’île de Symi. »
L’affaire du naufrage de Pylos en juin 2023, ayant causé la mort de plus de 600 personnes, a également été traitée.
« L’enquête nationale préliminaire sur les actions des autorités au moment du naufrage d’un bateau au large de Pylos en 2023, dans lequel plus de 600 personnes avaient péri, a finalement été achevée en décembre. Selon des rescapés, les gardes-côtes grecs étaient responsables du naufrage. Des ONG représentant des survivants et des familles de victimes ont reproché au ministère public de ne pas avoir demandé aux autorités responsables de la coordination des opérations de recherche et sauvetage et à leurs supérieurs de présenter des explications par écrit. En mai, neuf rescapés ont été déclarés non coupables, y compris de l’accusation d’avoir provoqué le naufrage, à l’issue de procès distincts dont l’équité a été mise en doute. »
Conditions de détention inhumaines
« Des personnes demandeuses d’asile, majoritairement racisées, vivant dans le centre fermé à l’accès contrôlé de l’île de Samos ont fréquemment fait l’objet de « restrictions de liberté » équivalant à une détention illégale. Des problèmes ont également été constatés dans la prestation de services essentiels, comme l’eau courante et les soins de santé. Les personnes privées de liberté auraient été détenues dans des conditions inhumaines et dégradantes, notamment dans des périodes de surpopulation.
Le Comité européen pour la prévention de la torture (Conseil de l’Europe) a publié en juillet des critiques similaires concernant d’autres centres fermés à l’accès contrôlé après une visite menée en 2023.
Le système de confinement mis en place sur Samos et dans d’autres centres de ce type touchait les personnes racisées de façon disproportionnée et exacerbait l’exclusion des migrant·e·s et des réfugié·e·s sur la base de leur origine ethnique. »
Le rapport note également l’arrêt de programmes européens de soutien, tels que Helios, qui fournissait un logement et une aide financière.
« En octobre, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision dans une affaire relative au renvoi de personnes demandeuses d’asile en Turquie depuis la Grèce au titre de l’accord de réadmission conclu en 2014 entre l’UE et la Turquie, accord que la Turquie avait suspendu depuis mars 2020. La Cour de justice a établi que si le pays de retour ne garantissait pas la réadmission des personnes concernées, les demandes d’asile ne pouvaient pas être considérées comme irrecevables sous prétexte de l’application du concept de “pays tiers sûr”. »
L’accès des personnes demandeuses d’asile ou réfugiées aux aides sociales et économiques a évolué de façon négative. Le programme Helios, mené par l’Organisation internationale pour les migrations avec le financement des autorités grecques, a pris fin le 30 novembre. Il avait permis d’offrir un logement et un soutien aux bénéficiaires d’une protection internationale ou d’une protection temporaire de l’UE. L’ONG Refugee Support Aegean a rapporté qu’en mai, les autorités avaient cessé de verser aux personnes demandeuses d’asile l’aide financière imposée par la loi. »
Violences policières
« Cette année encore, certaines sources ont fait état d’un recours inutile et excessif à la force par la police, qui a notamment employé abusivement des armes à létalité réduite contre des manifestant·e·s et des journalistes.
En décembre, l’avocate spécialiste des droits humains Anny Paparousou et un groupe de manifestant·e·s pacifiques ont été emmenés dans un poste de police à des ûns de contrôle d’identité avant un rassemblement. Cette manœuvre était vraisemblablement illégale et visait principalement à empêcher ces personnes de participer à la manifestation.
En octobre, un tribunal a accordé une indemnisation au photojournaliste Orestis Panagiotou pour les blessures graves que cet homme a subies après avoir été touché directement et à faible distance par un canon à eau, alors qu’il couvrait une manifestation à Athènes en 2021. En novembre, un tribunal d’Athènes a prononcé une peine d’emprisonnement de huit mois avec sursis contre un agent de police déclaré coupable d’avoir causé des blessures physiques par négligence à Orestis Panagiotou. »
Morts en garde à vue
Trois décès liés à des interventions policières ont été mis en lumière.
« Une cour d’appel d’Athènes, la capitale, a confirmé en juillet la déclaration de culpabilité de deux hommes accusés de coups et blessures ayant entraîné la mort du militant LGBTI Zak Kostopoulos en septembre 2018.
En août, un procureur de La Canée a inculpé quatre policiers d’homicide volontaire avec possible préméditation dans l’affaire de Kostas Manioudakis, décédé lors d’une fouille dans le village de Vryses, en Crète, en septembre 2023.
En septembre, le travailleur migrant Kamran Ashiq est mort en garde à vue. Des photos de son corps, publiées dans les médias, montraient des blessures indiquant qu’il avait été frappé. En décembre, le mécanisme national d’enquête sur les comportements arbitraires de la police a annoncé avoir ouvert une enquête sur cette affaire. »
Liberté d’expression menacée
Deux affaires judiciaires ciblant des journalistes ont été dénoncées comme des SLAPPs (poursuites-bâillons).
« La Grèce n’avait toujours pas adopté de cadre législatif efficace pour lutter contre les procès-bâillons.
En septembre, une cour d’Athènes a examiné la requête en appel de la journaliste Stavroula Poulimeni et de la coopérative de médias Alterthess contre une décision qui donnait partiellement raison au plaignant dans une action en justice lancée contre elles en 2021 pour avoir couvert une affaire relative à des dommages environnementaux. Le procès de 2021 était considéré comme présentant les caractéristiques d’un procèsbâillon.
Un tribunal d’Athènes a classé en octobre l’action en justice pour diffamation intentée en 2022 par Grigoris Dimitriadis, ancien chef de cabinet du Premier ministre, contre trois journalistes, dont Thanasis Koukakis, ainsi que le Journal des rédacteurs et le réseau Reporters United, à la suite d’un reportage sur le scandale de la surveillance en Grèce. Plusieurs ONG de défense de la liberté de la presse avaient qualifié cette affaire de procès-bâillon. »
Violences faites aux femmes et aux filles
« En avril, Kyriaki Griva a été tuée par son ancien compagnon devant un poste de police d’Athènes, où elle était allée demander protection. Le traitement de sa plainte par la police a suscité l’indignation et entraîné une enquête visant quatre fonctionnaires de police pour “mise en danger de la vie d’autrui”.
En novembre, le Comité des droits de l’homme a exhorté la Grèce à ériger expressément le féminicide en infraction et à modifier sa loi de 2021 sur la garde partagée des enfants de façon qu’elle protège toutes les victimes de violence domestique. »
Droits des personnes LGBTQIA+
« En février, le Parlement a légalisé le mariage entre personnes du même sexe, mais le cadre juridique comportait encore des failles qui exposaient les personnes LGBTI, notamment les personnes transgenres et leurs enfants, au risque de subir des discriminations.
Selon l’Association grecque de soutien aux personnes transgenres, le système de santé utilisait toujours une classification médicale présentant la transidentité comme un « trouble de l’identité de genre », ce qui exposait les personnes transgenres à de multiples obstacles au cours de leur vie.
Dans son rapport sur l’année 2023 publié en avril, le Réseau d’observation de la violence raciste a recensé 158 faits de violence, dont 61 concernaient des personnes LGBTI. »
______________________________________________
Recherchez-vous des actualités depuis la Grèce présentées sous un angle progressiste et différent des médias dominants ? Faites un don mensuel ou annuel pour soutenir TPP International dans sa mission de fournir un journalisme indépendant en français. Ne laissez pas les voix progressistes grecques disparaître.
Pensez à préciser « TPP International » et votre numéro de commande comme motif du paiement.