En Grèce, un vif débat oppose actuellement propriétaires et locataires autour de la nouvelle mesure annoncée par le gouvernement, à savoir le remboursement d'un mois de loyer par an aux locataires à faibles revenus. La fédération nationale des propriétaires immobiliers (POMIDA), qui représente les propriétaires, appelle le gouvernement à mettre en place une « clause de locataire solvable » avant que les locataires puissent bénéficier de cette mesure.

Selon cette nouvelle mesure, un mois de loyer serait remboursé chaque année aux locataires, au mois de novembre. Mais pour les syndicats de locataires, il est trompeur de présenter cela comme une véritable aide au logement. D’après eux, une fois le remboursement effectué, les loyers repartiront rapidement à la hausse – dès décembre, voire avant. Ils dénoncent une manœuvre qui profitera essentiellement aux propriétaires, déjà largement gagnant.e.s de la crise du logement, et qui risquent à nouveau de vouloir « réguler » le marché à leur avantage – comme cela a été le cas récemment avec le programme « Mon logement 2 », qui a déclenché une nouvelle vague de spéculation.

Les propriétaires veulent poser des conditions au remboursement

POMIDA propose que seuls les locataires à jour dans leurs paiements sur l’année écoulée puissent bénéficier du remboursement. Selon eux, cela permettrait d’éviter les pertes de revenus pour les bailleurs et de limiter le manque à gagner pour l’État en matière d’impôts. L’organisation invoque l’intérêt public et la lutte contre la fraude fiscale. Pourtant, le loyer moyen officiellement déclaré au fisc est de seulement 255 €, un chiffre largement considéré comme irréaliste – y compris par le ministre grec de l’Économie, qui a récemment reconnu que ce montant ne reflétait pas le marché réel en Grèce.

Pour appuyer sa demande, POMIDA donne un exemple concret : un locataire paie 60€ de loyer par mois, mais cesse ses paiements au bout de six mois. Le propriétaire engage alors une procédure judiciaire, et ne récupère le logement qu’à la fin de l’année – sans jamais percevoir les arriérés. Lors de sa déclaration d’impôts, le bailleur doit tout de même déclarer les loyers perçus, tandis que les loyers impayés ne seront probablement jamais récupérés. POMIDA s’interroge alors : est-il juste qu’un tel locataire touche, l’année suivante, un remboursement de 600 € financé par les contribuables ?

Réaction du syndicat des locataires de Thessalonique

Le syndicat des locataires dénonce cette tentative de stigmatisation estimant que POMIDA cherche à détourner l’attention des véritables problèmes : la flambée des loyers dans un pays où le salaire minimum atteint à peine 880 €.

« Pour des milliers de foyers, payer 600 € de loyer, ce n’est pas une question de “fiabilité” – c’est une question de survie », écrivent-ils.

« Les gens se privent de nourriture, de chauffage, de soins médicaux, juste pour garder un toit au-dessus de leur tête. »

Le syndicat dénonce aussi un déséquilibre croissant dans les rapports de force entre locataires et propriétaires. Il accuse ces derniers de procéder à des hausses de loyers abusives, de refuser les réparations, d’expulser sans motif valable, et de punir celles et ceux qui osent se plaindre.

Une liste noire en préparation ?

Mais ce qui inquiète le plus les locataires, c’est la possibilité de voir émerger un fichier national des mauvais payeur.euse.s : un système qui exclurait de fait les personnes en difficulté du marché locatif.

« Ce remboursement devient un outil de contrôle et de répression », dénonce le syndicat.

« Il ne s’agit pas de justice, mais de menaces à peine voilées envers ceux qui n’arrivent plus à suivre. »

Le syndicat pointe également le problème bien connu des loyers non-déclarés et de l’évasion fiscale : selon eux, de nombreux propriaitaires ne déclarent qu’une partie de leurs revenus locatifs – parfois seulement la moitié – et encaissent le reste en liquide, sans payer d’impôts.

« Et maintenant, on veut faire des locataires des auxiliaires du fisc, chargés de pousser les propriétaires à déclarer leurs revenus pour qu’on puisse toucher un petit bonus… avant de nous sanctionner si on n’arrive pas à suivre les hausses. »

Le syndicat des locataires réclame des mesures concrètes : un encadrement strict des loyers, une baisse des prix, et un vrai investissement public dans le logement social.

« Trop longtemps, POMIDA a monopolisé la parole. Aujourd’hui, une autre voix se fait entendre. »

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