Le rapport détaille un ensemble de pratiques qui entravent concrètement le travail des journalistes : financement public orienté vers les médias proches du pouvoir, intimidations, violences, en particulier à l’égard des femmes, ainsi qu’un manque généralisé de transparence sur la propriété des groupes médiatiques.

Il s’agit de la quatrième édition annuelle du rapport de Liberties sur la liberté de la presse dans l’UE. Il s’appuie sur les données de 43 organisations partenaires dans 21 États membres, et couvre quatre domaines principaux : liberté et pluralisme des médias, sécurité des journalistes, liberté d’expression et d’accès à l’information, ainsi que la législation européenne en la matière.

Liberties prévient que contrôle des médias est souvent le premier pas vers l’autoritarisme et évoque en exemple les attaques du président américain d’extrême droite Donald Trump contre la presse indépendante. Le rapport rappelle notamment que Trump avait interdit à l’agence Associated Press d’assister à des points presse à la Maison Blanche après son refus de désigner le golfe du Mexique comme le « golfe d’Amérique ». Dans la même veine, l’administration Trump avait annoncé vouloir choisir elle-même les journalistes autorisés à couvrir le président.

L’année 2024 a été l’une des plus meurtrières pour les journalistes dans le monde et le nombre de professionnels emprisonnés a augmenté, en particulier en raison des assassinats, détentions et actes de torture perpétrés par l’armée israélienne contre les journalistes à Gaza.

Concentration opaque des médias et confiance en chute libre

La concentration des médias reste forte dans l’UE, souvent entre les mains d’un petit nombre d’acteurs économiques ou de familles influentes. Et lorsque des bases de données censées rendre transparentes les structures de propriété existent, elles sont soit incomplètes, soit obsolètes. Résultat : la diversité des points de vue diminue, et le risque de partialité augmente.

Cette situation nourrit une défiance généralisée : dans seulement 3 des 21 pays analysés, les citoyen.ne.s déclarent encore faire confiance aux médias à un niveau relativement élevé.

Mais la propriété n’est pas le seul problème. Les journalistes sont de plus en plus exposés.e. aux agressions physiques, au harcèlement en ligne, aux poursuites judiciaires abusives. Les manifestations restent particulièrement risquées à couvrir : en 2024, les journalistes ont été régulièrement pris pour cible lors de mobilisations pro-palestiniennes, que ce soit par les forces de l’ordre ou par des manifestant.e.s.

De plus, de nombreux pays européens offrent une protection juridique minimale aux journalistes, voire affaiblissent les protections existantes. Selon Liberties, l’accès à l’information demeure également problématique et lorsque les journalistes soummettent des demandes d’accès à l’information, dans de nombreux pays ils et elles rencontrent de la résistance.

La Grèce, un paysage médiatique dominé par quelques grandes fortunes

Malgré un nombre élevé de titres et de chaînes, la diversité apparente du paysage médiatique grec est trompeuse. En réalité, une poignée d’entrepreneurs fortunés – souvent liés au pouvoir politique et actifs dans d’autres secteurs économiques – détiennent la majorité des grands groupes de presse. Les intérêts croisés sont nombreux, notamment avec des secteurs bénéficiant de marchés publics, ce qui fragilise l’indépendance éditoriale. Aujourd’hui, les principales forces derrière les médias en Grèce sont des armateurs et des investisseurs industriels.

Publicité d’État, agressions et poursuites abusives

L’allocation de la publicité publique en Grèce continue de susciter de vives critiques. Le rapport constate un manque de transparence persistant, et une répartition qui semble systématiquement favoriser les médias alignés sur la ligne gouvernementale. En 2024, rien n’a changé, malgré les recommandations du Parlement européen appelant Athènes à garantir une répartition équitable et transparente de ces ressources, afin d’éviter toute influence indue sur le contenu des médias.

Les journalistes grec.que.s sont régulièrement la cible de violences verbales, notamment en ligne ou lors de manifestations. Ces attaques viennent parfois de responsables politiques ou de leurs partisans. Des cas similaires ont été recensés en Croatie, en République tchèque, en Irlande, en Italie, à Malte, en Roumanie, en Slovaquie, en Slovénie, en Suède et en Tchéquie. En Bulgarie, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Espagne, à Malte et en Grèce, des journalistes ont également dénoncé des refus d’accès à l’information émanant de fonctionnaires publics.

Le rapport cite aussi plusieurs agressions physiques récentes. À Athènes, lors d’une manifestation de pompiers saisonniers, le journaliste Giorgos Androutsos, du journal Rizospastis, a été violemment interpellé par la police. Malgré avoir décliné sa qualité de journaliste, il a été roué de coups, menotté, hospitalisé, puis relâché, avant d’être poursuivi. Autre cas : en reportage sur un incendie en Attique, le journaliste Frixos Drakontidis a reçu des coups de poing d’un inconnu.

Journalistes visé.e.s par des actions en justice

Les poursuites judiciaires destinées à faire taire les journalistes, les fameuses SLAPPs, restent un grave problème en Grèce. Mais un jugement récent a marqué un précédent encourageant. La plainte déposée par Grigoris Dimitriadis, neveu du Premier ministre grec, contre Reporters United, l’Efimerida ton Syntakton et le journaliste Thanasis Koukakis, a été rejetée. Le tribunal a jugé que les révélations sur l’implication de Dimitriadis dans l’affaire du logiciel espion Predator relevaient de l’intérêt public et étaient protégées par la liberté d’expression.

Malgré ce revers pour les partisans de la censure judiciaire, la Grèce n’a toujours pas transposé la directive européenne contre les SLAPPs, ni mis en œuvre les recommandations du Conseil de l’Europe. Un vide juridique qui continue de fragiliser la liberté de la presse dans un pays où les journalistes doivent se battre au quotidien pour exercer leur métier.

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