Alors que le Parquet européen (EPPO) poursuit son enquête sur un réseau organisé de fraude liée à des subventions agricoles de l’Union européenne en Grèce, le gouvernement grec a annoncé la suppression de l’OPEKEPE, l’organisme de gestion de ces aides, et le transfert de ses compétences à l’Autorité indépendante des recettes publiques (AADE). Une décision fortement critiquée par Nikos Salatas, président de l’OPEKEPE jusqu’à récemment, qui a démissionné dans la foulée de cette affaire. Dans une interview, il défend son action à la tête de l’organisme, rejette la faute sur les dirigeants précédents et qualifie la décision du gouvernement de « problème grave pour le pays ».

Enquête européenne et réaction grecque

L’EPPO enquête sur ce qui s’apparente à un système organisé de fausses déclarations d’activité agricole, ayant permis à de nombreuses personnes d’obtenir indûment des aides européennes. Dans le cadre de cette procédure, des perquisitions ont été menées à Athènes et en Crète, lors desquelles les enquêteurs ont signalé des entraves à la récupération de données numériques et un manque de coopération de la part de l’organisme grec.

C’est dans ce contexte que le gouvernement a annoncé sa volonté de dissoudre l’OPEKEPE, en pleine tempête judiciaire, et de transférer ses fonctions à l’AADE. Le ministre du Développement rural et de l’Alimentation, Kostas Tsiaras, a demandé la démission du président de l’organisme, Nikos Salatas.

Salatas contre-attaque : « Le pic des dérives a eu lieu en 2022–2023 »

Dans son entretien, Nikos Salatas reconnaît que l’OPEKEPE a connu des difficultés depuis plusieurs années, mais affirme que la situation s’est véritablement dégradée en 2022 et 2023.

« Tout le monde le sait, les agriculteurs le savent. C’est là que tout a commencé à s’écrouler. Le système informatique a lâché et une multitude de combines ont vu le jour », explique-t-il.

Il rejette la responsabilité sur ses prédécesseurs, affirmant que certains auraient cédé à des pressions politiques.

« Si les présidents d’avant subissaient des pressions, ils devaient le dire. Moi, on ne me manipulait pas. Mon objectif, c’était de sauver l’organisme », insiste-t-il.

Il affirme avoir pleinement coopéré avec le Parquet européen et estime que sa mise à l’écart est d’ordre politique, évoquant une décision venue directement du cabinet du Premier ministre.

« Pourquoi m’avoir évincé ? Je travaillais sans relâche, l’organisme reprenait des couleurs. Tout le monde n’avait pas intérêt à ce que l’OPEKEPE continue d’exister », lance-t-il.

Des inquiétudes autour de la fermeture de l’organisme

Nikos Salatas se dit profondément préoccupé par la décision du gouvernement de fermer l’OPEKEPE alors même que l’enquête européenne est en cours. Il redoute que cette manœuvre ne nuise à la fois à la crédibilité de l’organisme et à la transparence de la procédure judiciaire.

« On ne ferme pas un organisme qui gère 3 milliards d’euros par an simplement parce qu’il y a eu une perquisition », affirme-t-il. Et d’ajouter : « Il y a un vrai risque que cela serve de couverture, que les responsabilités soient diluées dans une autre administration et que les vrais coupables s’en sortent. »

Il estime également que transférer les missions de l’OPEKEPE à un organisme sans expertise dans le domaine agricole est une erreur. Selon lui, une meilleure solution aurait été de transformer l’OPEKEPE en autorité indépendante, dotée des moyens et du personnel nécessaires.

« C’est un enjeu majeur pour la Grèce », conclut-il. « Perdre l’agrément européen pour la gestion des aides agricoles serait une catastrophe bien réelle. »

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