Une brève chronologie de la catastrophe ferroviaire de Tempé

Dans la soirée du 28 février 2023, une collision tragique s’est produite lorsque le train de voyageurs IC62, en route d’Athènes à Thessalonique avec plus de 350 passagers, a heurté frontallement le train de marchandises 63503 voyageant de Thessalonique à Larissa sur la même voie. Cet événement catastrophique est devenu l’accident de train le plus meurtrier de l’histoire de la Grèce, entraînant la perte de 57 vies, dont 56 ont été identifiées grâce à des prélèvements biologiques, tandis qu’un échantillon correspondant à une personne disparue n’a pas pu être retrouvé. De plus, au moins 85 personnes ont été blessées, dont 25 grièvement.
Le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a rapidement attribué l’accident à une « erreur essentiellement humaine » du chef de la gare de Larissa et a salué le ministre des Transport Konstantinos Ach. Karamanlis pour avoir pris la « responsabilité politique » en démissionnant.
Cependant, des préoccupations concernant la sécurité de la ligne ferroviaire avaient été exprimées bien avant la tragédie. Le 27 avril 2022, Christos Katsoulis, alors chef du comité du projet sur la signalisation et la sécurité du réseau ferroviaire, avait démissionné en raison de ces problèmes. L’Association panhellénique du personnel de traction avait également alerté le ministère des Infrastructures et des Transports, l’Autorité de régulation ferroviaire et la compagnie Hellenic Train sur la détérioration des conditions des voies, le manque d’entretien et du dysfonctionnement du système de contrôle automatique censé prévenir de telles erreurs humaines. Quelques jours avant la tragédie, les cheminots avaient mis en garde de manière inquiétante contre les risques menaçant des vies humaines, dénonçant l’indifférence face aux enjeux de sécurité. Il est à noter que, à peine 10 jours avant la collision, le ministre avait qualifié les préoccupations de « honteuses » au Parlement.
À la suite de l’accident, des questions ont été soulevées sur la cargaison du train de fret, contenant des substances susceptibles d’aggraver un incendie, comme l’ont signalé les experts, comme l’ont identifié les experts représentant les familles des victimes. La décision de bloquer l’accès au site de l’accident a suscité des interrogations, le service des pompiers attribuant la responsabilité à Christos Triandopoulos, sous-secrétaire de la crise climatique et de la protection civile.
L’enquête parlementaire sur l’incident a été marquée par le refus de la majorité au pouvoir de convoquer des témoins clés, dont l’ancien président des conducteurs de train, l’ex-directeur de l’Organisation des chemins de fer helléniques (OSE) et l’ancien directeur général de TRAINOSE, qui a été acquis par Hellenic Train à la suite de contrats controversés. Malgré ces négligences, le gouvernement a conclu que les responsables politiques ne pouvaient être tenus pénalement responsables, une décision qui a provoqué la colère de l’opposition et des familles des victimes, qui réclamaient des comptes et des actions en justice.
Alors que les critiques sur la gestion de l’incident se multipliaient, la famille du conducteur qui a perdu la vie dans l’accident a intenté une action en justice, dénonçant la falsification des bandes sonores essentielles. Elle soutient que 11 minutes de dialogue ont été supprimées pour injustement incriminer le conducteur en affirmant que cela a été orchestré pour fabriquer une version des faits accusant le conducteur de négligence, même s’il avait plus de 40 ans d’expérience.
Parallèlement, la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen a exprimé de vives inquiétudes concernant l’enquête sur la catastrophe ferroviaire de Tempé, appelant à une investigation approfondie et indépendante, sans ingérence gouvernementale. Le Bureau du procureur européen (EPPO) a lancé une enquête sur l’utilisation frauduleuse des fonds européens par les autorités grecques, qui aurait pu indirectement contribuer à l’accident. Cependant, le manque de coopération des autorités grecques avec l’EPPO a soulevé des préoccupations supplémentaires.
Des accusations graves ont été par la suite portées contre le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis, notamment pour son rôle dans l’altération du site de l’accident, ce qui a compromis l’intégrité des preuves. Selon un rapport de MEGA (chaîne de télévision grecque), une réunion secrète a eu lieu le 3 mars entre des responsables politiques et des forces de l’ordre pour discuter de la dissimulation de l’incident.
Maria Karystianou, présidente de l’association des familles des victimes TEMPE 28-2-2023 qui a perdu sa fille dans la tragédie, a souligné le soutien d’1,5 million de citoyen.ne.s pour la révision de la loi sur la responsabilité ministérielle et de l’Article 86 de la Constitution. Lors d’une conférence en juin 2024, elle a vivement critiqué le Premier ministre, l’accusant d’indifférence et d’impunité. Les intervenant.e.s ont insisté sur la nécessité d’une réforme législative pour mettre fin à l’impunité des ministres et renforcer l’État de droit en Grèce, notamment suite à la tragédie de Tempé. Un groupe de travail juridique a été formé pour élaborer une proposition législative à soumettre au Parlement. Plusieurs partis politiques ont soutenu cette initiative.
Le parti de l’opposition SYRIZA a demandé que les accusations à l’encontre des anciens responsables impliqués dans la tragédie ferroviaire de Tempe soient requalifiées en infractions graves, les accusant d’avoir détourné des fonds publics pour dissimuler l’ampleur de la catastrophe. Le parti a également requis une enquête approfondie sur l’utilisation des fonds de relance pour camoufler les faits et a demandé que les enquêtes portent aussi sur des anciens ministres ayant autorisé des paiements à des entreprises chargées de l’enlèvement des débris.
Un parent d’une victime de la catastrophe a demandé, par un mémorandum, l’ouverture d’une enquête sur des irrégularités dans la collecte de preuves sur le site de l’accident ainsi qu’à Koulouri, un lieu situé à Larissa, en Grèce, où sont conservées les carcasses des wagons des deux trains impliqués dans l’accident. La demande, soumise par son avocat le 11 novembre, met en lumière des manquements dans les procédures, notamment au sujet des systèmes de sécurité défaillants, notamment le freinage automatique et les communications entre conducteurs et contrôleurs.
Les enregistrements des appels au numéro d’urgence 112, révélés dans les médias au début de 2025, sont inclus dans l’enquête sur la collision ferroviaire. Ces fichiers audio, enregistrés immédiatement après l’accident, durent plusieurs heures et témoignent des réactions des passager.e.s à bord. Par ailleurs, une analyse chimique menée par l’Université polytechnique nationale d’Athènes est en cours afin de clarifier les causes et la propagation rapide de l’incendie survenu après la collision.
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